Au Congo Brazzaville
Une grande aventure en terre inconnue
En France
Des congolais de la diaspora cherchent à s’entendre
Comme toute guerre civile, celle qui ravage le Congo en 1997 et 1998 contraint des congolais de toutes origines, sociales et ethniques à s’expatrier. Certains, arrivés à Paris, créent des associations cherchant à rassembler pour construire le Congo de demain. Ces tentatives piétinent.
La rencontre entre le CERS et des responsables de ces associations, en 2000, a lieu dans ce contexte lourd. Leur demande est pressante. Milieu social, ethnie, tout les sépare. Leur volonté commune : vivre dans un pays debout
Est-ce possible dans ce contexte ?
A titre de test, le CERS propose un premier travail par étape appelé « Parcours ». Une vingtaine de responsables des différents partis et associations se rassemblent 3 samedis consécutifs à Paris. Au fil du travail en commun, les tensions s’apaisent . Ils s’accordent sur 4 points*.
- Une définition de la démocratie vue par eux
- Les principaux obstacles et leurs atouts pour établir la démocratie
- Un programme de base en 5 points
- Les « valeurs congolaises » sur lesquelles ils pourraient s’appuyer pour le réaliser.
Le tour de France
Forts de ce premier pas, ils demandent au CERS d’accompagner le même parcours à Lyon, Nice, Toulouse, Bordeaux, Amiens et Clermont Ferrand où de nombreux congolais résident.
Plus d’une centaine de volontaires et 9 séminaires. Pour les animateurs du CERS, bénévoles pour cette opération, c’est une découverte. Après s’être familiarisé avec « l’heure congolaise », ils sont frappés par leur rapidité à s’approprier la démarche.
Le rassemblement national
Chaque groupe a désigné 2 personnes chargées de le représenter au rassemblement organisé par le CERS à Cergy en janvier 2001. Une vingtaine de délégués constate, lors de la mise en commun des travaux, un consensus exemplaire sur 4 points du programme. Ce consensus se concrétise par une « plate-forme », non pas un programme unique, mais un socle commun, base indispensable de départ pour beaucoup de projets en tout genres, chacun ayant sa spécificité*.
Les délégués poursuivent leurs travaux en élaborant ensemble un projet d’opération à conduire au Congo. Il repose sur :
- La volonté de travailler avec la société civile
- Le choix des 5 secteurs à reconstruire : enseignement, santé, agriculture-alimentation, transports, commerce et financement.
- Dans chacun de ces domaines, ils ont imaginé un « parcours » en étapes
- Ils nomment cette plate-forme commune « Congo 2005 »
A la fin de ces 2 journées, les participants étaient étonnés, contents et impatients. Étonnés et contents d’avoir réussi à travailler ensemble et d’avoir fait évoluer leurs relations après des années de lutte. Étonnés d’avoir abouti, en si peu de temps, à des propositions concrètes et consensuelles. Et impatients que cette même démarche soit faite sur place, au Congo…
Au CERS, les avis sont partagés. L’opportunité est belle, à titre expérimental, de valider notre démarche. Pourrons-nous répondre à une si grande attente ? Notre budget « recherche » déjà bien écorné par les parcours précédents, sera t-il suffisant si les congolais n’obtiennent pas les fonds escomptés ?
Au Congo
Un galop d’essai
En avril 2001, un membre du CERS, part en reconnaissance. L’état du pays va t-il permettre notre intervention ? Sur place, les congolais sont-ils motivés pour participer à ces parcours ?
Notre consultant, accueilli avec grand intérêt, fait de nombreux entretiens « non directifs »*. De leur analyse ressortent 3 points :
- Un pays très dégradé, alimentation, santé, enseignement, transports, tout est à refaire
- Un grand intérêt pour le travail proposé par le CERS et la conviction de pouvoir mobiliser très vite une centaine de personnes
- L’opération prévue serait de nature à
- Former des accompagnateurs de projets
- Accélérer la création de structures intermédiaires de la société civile, partenaires reconnues des porteurs de projet et des instances nationales et internationales
- Redonner confiance aux personnes marquées par la guerre
- Crédibiliser le pays auprès des financeurs potentiels
La faisabilité de l’opération est acquise. L’espoir qu’elle suscite fait accélérer l’allure.
Ils partirent 60…
En juin, toujours sur nos fonds propres, notre consultant anime 2 sessions de 2 jours à Brazzaville et 1 session à Pointe Noire. Pour chacune, 20 participants dont, dans la mesure du possible, 30% de femmes et 50% de moins de 40 ans. Ces personnes représentent aussi des régions et des tendances différentes. Pari tenu ! Au terme de ces 3 sessions, les 60 participants ont enrichi le programme et sont impatients de se retrouver à l’automne pour mettre en commun leurs travaux. Chaque groupe désigne 5 délégués pour cette rencontre.
La deuxième plate-forme
15 délégués se retrouvent à Brazzaville. Ils constatent les points de consensus des 3 séminaires de juin à partir desquels ils élaborent une nouvelle plate-forme sur les besoins, les obstacles, les atouts, les valeurs congolaises et les propositions de programme.
40 volontaires à l’animation, 61 ateliers dans 10 régions, 1000 participants
Au cours des 2 jours suivants, après avoir pris connaissance de la plate forme préparée par les délégués, les 60 participants ébauchent une 1ère proposition de programme dans chacun des 5 domaines retenus : enseignement, santé, alimentation-agriculture, communications-transports, financements. 40 participants se déclarent volontaires pour animer des ateliers dans chacun de ces domaines dans les 10 grandes régions du pays.
A ce point du récit il faut saluer la ténacité de ces apprentis animateurs pour aller sur place : pistes impraticables, longues marches, régions où les troubles persistent … pour intéresser une population parfois méfiante et enfin pour trouver les maigres moyens matériels nécessaires.
Il faut aussi parler de nos deux consultants qui au fil des voyages, enrichis par leurs rencontres, se sont imprégnés de l’âme congolaise. Leur travail patient a permis aux sensibilités différentes de s’apprécier, parfois de s’accorder pour s’approcher de l’objectif. A travers leurs récits, nous avons découvert un pays où, pour ce qui concerne le travail entrepris, « rien ne marche mais tout réussit ! »
A marche forcée…
- Décembre 2001 : Formés à l’entretien non directif, chacun des 40 apprenti-animateur part dans sa région. Il va en réaliser plusieurs, portants sur les 5 domaines.
- Février 2002 : Les 40 à Brazzaville analysent leurs entretiens. C’est la base sur laquelle sont élaborés les « parcours » pour les ateliers qu’ils auront à animer. Leur formation se fait « en faisant ».
- Avril 2002 : 61 ateliers rassemblent prés de 1000 personnes réparties sur tout le territoire congolais.
- Juin 2002 : Les 40 animateurs à Brazzaville font le bilan des premiers ateliers. Le suivant portera sur l’interaction entre les projets. Le difficile passage d’un total au global.
- Août 2002 : Les 40 animateurs à Brazzaville font le bilan des ateliers. La troisième réunion portera sur l’organisation et les structures.
- Octobre 2002 : C’est la session de synthèse.
Fin de la première aventure
Octobre 2002 : L’Ecole Nationale d’Administration accueille, dans ses locaux marqués par la guerre, une centaine de personnes, tous délégués par leurs ateliers respectifs. 10 consultants du CERS sont venus en appui à leurs valeureux camarades.
Le travail en atelier
Les délégués des 61 ateliers se répartissent en fonction des 5 domaines d’activité : enseignement, santé, agriculture-élevage, transport-commerce-artisanat, finances.
Ils échangent sur :
- La situation dans leur région sur le domaine considéré
- Ce qui a changé entre eux en travaillant avec cette démarche
- Les premiers projets et les engagements déjà pris pour continuer
L’essentiel de ces échanges a été mis en forme pour la présentation finale.
Les réunions par région
Les délégués des ateliers du même secteur
- Se sont présentés leurs résultats par domaine
- Ont identifié les relations et les complémentarités entre les différentes actions
- Ont discerné les projets prioritaires capables d’en susciter d’autres
- Ont posé les bases d’une organisation locale
Ces travaux ont été présentés en séance finale.
La restitution, un nouveau départ
Quelle émotion ce 12 octobre 2002 !
Dans l’amphithéâtre de l’Ecole d’Administration on attendait les autorités nationales et internationales pour la présentation des travaux. La veille, les délégués aidés par les consultants avaient rodé leur restitution unis dans la conscience que quelque chose de nouveau était en marche.
En moins de 5 minutes, chacun a réussi à faire passer avec enthousiasme, l’espoir que suscite pour la population de sa région le projet qu’il défend. A l’aide d’anecdotes, ils ont montré que sans attendre les fonds nécessaires, les gens s’organisent mais ils disent aussi haut et fort que ces fonds sont indispensables.
Dans l’assemblée, l’intérêt était palpable. La clarté des propos, la force de conviction des délégués, les choix de priorité des actions ont impressionné ministres et hauts fonctionnaires. Ils avaient face à eux des citoyens créateurs et acteurs de leur avenir, pas des quémandeurs.
Comment ce passage, cette conversion a-t-elle était possible ?
Comment ces projets vont-ils évoluer ?
Pour le CERS
Cette opération en France et au Congo valide la pertinence de notre démarche pour des congolais qui font preuve d’une grande capacité à écouter, s’exprimer, analyser une situation en s’ouvrant à de nouvelles formes de réflexion en équipe pour des projets conçus par eux-mêmes.
L’Académie des sciences morales et politiques nous attribue en 2004 le prix Durand-Réville pour l’exemplarité de cette opération « Congo 2005 ».
Difficile pour le CERS de s’arrêter là. La demande des congolais est si forte…
A suivre…