Mission en Andorre
(24 janvier – 9 décembre 2008)
Ils étaient bien perplexes nos interlocuteurs du gouvernement Andorrans face au problème de la préservation du patrimoine. « Vous devez vous rendre compte », nous disaient-ils, « L’Andorre, c’est un contexte très particulier.»
Le constat
C’est un petit pays de montagne de 75000 habitants dont seulement 25000 andorrans. Longtemps complètement isolé et encore sous le statut de la co-principauté de l’évêque d’Urgell et du président de la république française ce pays est confronté aujourd’hui à des cultures multiples : espagnole, française mais aussi russe, anglaise, etc.
Il est constitué de 7 « paroisses » jalouses de leurs spécificités ; par exemple les règles d’urbanismes sont différentes d’une paroisse à l’autre… L’Andorre est sortie de son isolement après la deuxième guerre mondiale. Elle a profité de son cadre naturel exceptionnel et a utilisé un système fiscal avantageux pour devenir une grande destination touristique. Son développement commercial et urbain a été à la fois important et rapide.
- Les Andorrans, du fait de ce développement très rapide, risquent de voir disparaître leur patrimoine.
- Une loi de protection peut les contraindre mais une appropriation des règles de protection serait bien préférable.
- Les 7 paroisses se vivent comme différentes les unes des autres et ont du mal à accepter que les mêmes règles leur soient appliquées.
Les questions du gouvernement se précisent
À la suite de plusieurs rencontres avec le conseiller du Ministre, trois questions prioritaires s’imposent :
- Comment savoir si les Andorrans ont conscience de leur patrimoine ?
- Comment savoir si les différentes paroisses ont la même conception du patrimoine ?
- Comment faire pour que les Andorrans prennent conscience de leur patrimoine commun et s’approprient les moyens de le préserver ensemble ?
La réponse du CERS
Pour répondre à ces questions le CERS a proposé comme objectifs :
- De rassembler paroisse par paroisse les Andorrans pour leur faire définir ce qu’est leur patrimoine.
- De mesurer le degré de consensus à ce sujet entre les différentes paroisses.
- Le cas échéant, de faire élaborer par les Andorrans eux-mêmes des projets visant à la protection de ce patrimoine pour l’avenir.
Les moyens nécessaires
- Faire faire ce travail de réflexion collective et prospective par les Andorrans eux-mêmes, sans rien leur suggérer, grâce à des méthodes de travail adaptées, en leur faisant faire un certain parcours où tout viendra d’eux-mêmes.
- Former pour conduire ce parcours un petit nombre de délégués volontaires, bilingues, capables de prendre en charge les réunions de base où seront invités les Andorrans par paroisse, capables d’en faire la synthèse et d’en présenter les résultats, capables d’aider à la poursuite de l’évolution amorcée pour réaliser les projets issus du parcours.
En route pour l’aventure
Un premier pas
Le 25 janvier 2008, 31 décideurs, dont le ministre en charge du patrimoine, se sont retrouvés pour un parcours expérimental. Répartis en trois groupes, ils ont répondu à la question : être andorran, c’est quoi ? Ainsi, ils ont mis en évidence et se sont accordés sur les caractéristiques principales de leur identité. A partir de là, ils ont identifié les menaces qui pèsent sur ces caractéristiques et ont ébauché des solutions. Ce parcours, contracté sur une journée, a permis aux décideurs de mesurer l’intérêt de la démarche et au CERS de valider son hypothèse : aborder le problème du patrimoine par le biais de l’identité.
Des entretiens sur le terrain
Afin de préparer le « parcours » mental que devaient réaliser les andorrans dans les différentes paroisses, nous avons réalisé des entretiens « non directifs » sur le terrain : ils ont notamment mis en évidence la grande fierté qu’ont les Andorrans de leur identité propre, formidable levier pour imaginer des projets de protection.
Un parcours en quatre étapes
Dans chaque paroisse des réunions ont été organisées.
En utilisant des techniques appropriées les participants (une centaine en tout) se sont retrouvés pleinement d’accord, à l’intérieur d’une même paroisse et entre les paroisses sur ce qui caractérise leur identité, et ce qui, à partir de là, constitue véritablement leur patrimoine : c’était l’objet des étapes une et deux.
Constatant ces consensus très forts, le gouvernement a encouragé les participants à poursuivre leur travail pour élaborer les projets qui leurs semblent les plus nécessaires pour protéger ce patrimoine.
Dans une étape trois, à partir de cette conscience partagée, les participants ont, quasiment d’une seule voix, dit quels sont les atouts et les freins qu’a l’Andorre pour protéger son patrimoine : ce travail remarquable éclaire cinq carrefours fondamentaux pour l’avenir de l’Andorre.
Forts de tous ces travaux et étonnés de leur accord, ils ont imaginé ensemble des projets et en ont sélectionnés cinq qui vont de la constitution de groupes inter paroissiaux pour travailler avec le service du patrimoine sur la bonne application et la modification des lois jusqu’à des projets plus modestes mais plus mobilisateurs comme la sauvegarde des fontaines et de leur toponymie.
Perspectives
Dans un climat politique assez tendu entre le gouvernement et les élus des différentes paroisses, cette opération a permis de faire constater à tous le haut degré de consensus qui existe sur l’identité Andorrane, le patrimoine qui en découle, les menaces qui pèsent sur lui et les projets pour le préserver.
A la suite de l’ouverture faite par le gouvernement et de son encouragement à passer à l’action, l’engagement des participants dans les projets sélectionnés a montré combien les andorrans sont prêts à s’approprier les moyens de préserver leur patrimoine commun. Le nombre des volontaires qui se sont inscrit pour concrétiser les projets sélectionnés est un signe de réussite mais aussi une exigence pour la suite…